La première définition de la raison, c'est le travail pour l'intégrité. Un être de raison est à réunir toutes les parties et tous les aspects du monde, qui est une intégrité en soi, mais qui ne peut se manifester qu'en un chaos des phénomènes disparates. Les meilleures têtes de l'humanité ont beaucoup fait pour nous inculquer le goût de desseins et œuvres épique, jamais limités par les bornes d'un personnage individuel, une famille, un clan ou une classe. La terre est trop petite, donnez-nous l'Univers entier ! Pourtant, il ne s'agit seulement de la vision intégrale ; nous sommes destinés de produire l'intégrité, de refaire l'unité du monde où il ne peut pas s'en acquitter sans notre intervention.

A ce point, quelqu'un avec un gros capital se met debout et fait retentir toute la presse (accaparée bien avant) de sa déclaration : non, nous ne voulons pas être coiffer comme des autres, parce que cela serait un attentat au droit principal de l'homme d'être riche et d'exploiter ceux qui sont encore trop pauvre pour avoir des droits. En réponse, les misérables (qui n'ont rien particulier contre l'ordre bourgeois comme tel) montrent leur indignation profonde et font chorus : non, nous ne voulons pas avoir une chose commune avec les sacrées sangsues !

Donc, s'en est fini. Avec qui ? Les meilleures têtes de l'humanité, bien sûr. Qu'ils se mettent en quatre en nous essayant faire conscients ! pour nocivité pure, nous allons briser le monde en pièces les plus petites et les faire sortir au hasard, comme des tonnelets en loto russe. Et on appela cela clip, et on vit que cela était bon...

Comme d'ordinaire, tout commença par des bonnes intentions. Un musicien populaire en concert, c'est plus que la musique préférée, c'est aussi une atmosphère vibrante, un savoir montrer par geste ce qu'on joue ou chante. Donc, on peut découper le concert en conserves et faire commerce de vidéos des numéros isolés. A propos, la télévision est venue à toute maison, et des choses compactes comme ça y sont le format le plus approprié. Comme il était une fois à la radio.

De flaque au large. Pourquoi pas animer un enregistrement studio en ajoutant une série visuelle de qualité ? La publique est ravie. Puis, des sujets simples acquièrent du dynamisme, sur plusieurs plans. Bien sûr, pour le triomphe de l'art sublime. D'ailleurs, la musique devient de plus en plus rythmique, et il faut certainement d'ajuster le rythme visuel dans la même mesure.

Qu'est-ce qu'on obtient donc ? Une fuite folle des images à l'écran peut réduire quelques-uns à l'épilepsie. Des trucs techniques au nom de la technique en soi, sans aucun rapport à la musique. Désir vaniteux de surpasser les autres en ce qui concerne la diversité des perversions. Et enfin, on compose la musique moderne visant à un clip, en supprimant tous les éclairs du talent hors format. Aujourd'hui, les robots se montrent aussi compétents dans ce métier, et tout ce qu'il reste à un anthropoïde c'est à vendre leur produit avec profit. L'Internet est venu fort à propos pour ce but, en permettant de pousser un " chef-d'œuvre " bien frais aux réseautages sociaux à partir d'un portable.

On comprend bien, qu'il ne s'agit pas seulement de la musique, et en fait, de la musique le moins. Il y a des chaines clip pour des dessins animés plats, pour le commérage de la mode, pour des shows culinaires... Il y a cinéma clip haut élevé qui prétend à la pensée profonde et l'élitarisme. Les chaines info sont il y a longtemps devenu un mélange des sujets vidéo, le nouveau et le vieux sans distinction, peu lié au contenu du reportage. Des tas des potins aux périodiques, le fatras disparate aux commerces. Toute la vie humaine est comme un caléidoscope dément qui fait toujours de nouveaux dessins des choses quotidiennes ; mais comment peut-on aller sans tout cela ? Dans ce remue-ménage, la capacité même de la pensée cohérente et l'action assidue s'atrophie faute de besoin. Et c'est exactement ce que les organisateurs du concert ont toujours cherché.

Les gens ne sont pas seulement ordonnés à chérir l'éclectique, ils en sont énergiquement imposés. Ne cherchez pas aucune raison dans ce qui se passe, il n'y en a pas. Vivez ici et maintenant. Une portion du bonheur saisi, réjouissez-vous, qu'est-ce que vous voulez de plus ? Rien de trop. La quête de l'intégrité cède au flux des fragments décousus, tout devient un seul clip gigantesque.

Les technologies modernes font une bonne base pour l'unité, mais elles sont utilisées dans le but tout contraire, pour nous faire perdre l'idée même de l'intégrité. Par exemple, c'est une vraie torture de naviguer les sites Internet modernes. Pas de étonnant : ils ne sont pas créés à ce fin. Les sites sont optimisés pour des robots, et non pas pour les humains ; les derniers sont conseillés à consulter des moteurs de recherche au lieu de fouiller les pages de leur-mêmes. On est bien fiché de l'habitude de googler à un moindre besoin, donc toute la Toile mondiale lui semble d'être un amoncellement immense de toutes sortes de choses qu'on ne puisse jamais mettre en ordre plus ou moins raisonnable. Un tas des ordures, où les gens grouillent comme des bousiers.

Et puis, quoi ? Je ne sais pas. Il peut s'avérer que quelqu'un le trouvera plus pratique de chasser toute l'humanité aux W.C., depuis qu'elle ne montre plus aucune disposition pour l'intégrité. Mais on pourrait aussi admettre que cet engrais humain fera un jour pousser des germes d'une nouvelle culture bien sensée pour édifier un monde de raison.